
Florian,
18 mois, sauvé d'Irak par PPDA

PPDA sur
TF1
Les
critiques sont nombreuses contre Patrick Poivre d'Arvor,
présentateur du 20h de TF1, journal
télévisé le plus regardé d'Europe.
Et le jour même du retour de son présentateur
vedette, la chaîne de télévision claironne
et met en avant le scoop et l'héroïsme de
PPDA.
Le Figaro, Le
Monde, France-Soir consacrant un grand article à Patrick
Poivre d'Arvor pour souligner son double exploit,
journalistique et humanitaire ? Inimaginable
en France !
Mais cet hommage confraternel a été rendu à Dan Rather
par l'ensemble des quotidiens américains et
même, sur la totalité d'une page par le seul
quotidien national : USA Today. Dan Rather, le PPDA de CBS, a lui aussi fait son métier en obtenant pour sa chaîne
le scoop de l'interview de Saddam Hussein.
Sportivement, sans rigueur, les confrères
ont salué le champion de leur profession dont
la prouesse rejaillissait sur tous. Rivaux,
mais pas mesquins. En
France, c'est une véritable embuscade qui
attendait PPDA : diatribes, leçons de morale,
rappels de déontologie…
Tout a commencé par une conversation
entre André Jannier, un conseiller de l'ambassade
de France à Bagdad, et PPDA lors du premier
de ses deux voyages en Irak pendant la crise
du Golfe. "Il me dit que tout va bien
dans la communauté française, raconte
Patrick Poivre d'Arvor. Il n'y a pas de
cas dramatique. Sauf un : un bébé de 18 mois,
Florian, à qui Mme Jannier a essayé de faire
passer la frontière irako-jordanienne, après
7 heures de route dans le désert."
Mais le soir même, le conseiller de l'ambassade de
France appelle Catherine Jentile, la deuxième
journaliste de l'équipe de TF1 présente en Irak, pour lui dire :"Catastrophe,
le bébé a été refoulé à la frontière. Il revient
à Bagdad cette nuit, en voiture."
Mais les journalistes ne peuvent rien faire.
Durant la nuit, PPDA ne parvient pas à dormir
: un homme lui téléphone sans cesse pour lui
parler en arabe et termine ses messages par
"French bastard" (bâtard de Français).
Ne pas dormir lui permet donc de réfléchir
sur le cas de cet enfant, retenu contre son
gré par les Irakiens, comme des milliers d'autres
Occidentaux.
Nous sommes le lundi 20 août.
A l'aube,
PPDA prend contact avec le père de l'enfant, dont il a eu les
coordonnées par le conseiller de l'ambassade
de France. Il lui propose de ramener l'enfant
à Paris. Le père, André Barbut, est d'abord
surpris, puis il hésite, et refuse. "C'est
trop risqué. Pour l'enfant. Pour vous. Il
ne vaut mieux pas."
Quelques heures plus tard, l'équipe
de TF1, quitte son hôtel. L'avion décolle de Bagdad pour Paris, dans une heure.
Surprise : coup de fil du père de l'enfant.
"Ne bougez pas. J'arrive !"
Mais l'équipe de télévision ne peut pas attendre,
donc André Barbut, court chez lui chercher
son bébé de 18 mois. Il n'a qu'une hantise,
celle d'un soldat irakien fouillant les bagages
de l'équipe de journalistes, et découvrant
Florian, passager clandestin pour Paris. La
maison d'André Barbut se trouve dans le quartier
des ambassades et des étrangers. Il trouve
le bébé qui joue dans le jardin avec la nurse.
Il l'arrache à ses bras sans rien dire, monte
avec lui dans sa chambre et prend quelques
affaires. Il redescend dans la cuisine et
débouche une bouteille de Champagne. Il faut
à tout prix que son fils dorme et c'est le
seul moyen auquel il pense. Florian boit l'alcool,
un demi-biberon, sans rien dire, sans grimace.
Légèrement assommé par l'alcool, il s'endort.
Le père le place au fond d'un sac de toile,
et le recouvre d'une couverture. André Barbut
ne reculera plus. Trois semaines qu'il multiplie
les démarches auprès des Irakiens pour faire
sortir son fils, le plus jeune otage occidental,
du pays. L'ambassade de France aussi s'en
est mêlée, de même que le gouvernement français
et la société Bull Irak où André Barbut travaille. Trois semaines
d'échecs. A Paris, sa femme a fait le siège
de l'ambassade d'Irak et du Quai d'Orsay.
Sans résultat.
En
tout cas, sa femme, Karoline, est en France.
Elle a quitté Bagdad deux jours à peine avant
le début de la crise, pour conduire leur fils
aîné, Aurélien, 4ans1/2, en colonie de vacances
près de Valence. L'enfant avait quitté l'Irak
en traînant les pieds ! Il adore ce pays,
parle l'arabe couramment et embrasse le poste
de télévision dès que Saddam Hussein apparaît,
c'est-à-dire souvent.
André Barbut arrive à l'hôtel avec son
sac en toile, au moment où l'équipe de TF1 régle sa note. PPDA a deviné que le
père a accepté sa proposition. Lorsque le
journaliste a entendu parlé de cet enfant,
il est aussitôt entré en contact avec son
père. Et il lui a proposé de faire rentrer
son fils en France.
André
Barbut lui confie le sac. Le bébé somnole.
Les journalistes montent dans l'autobus mis
à leur disposition pour gagner l'aéroport.
Le hall des départs est bondé de soldats irakiens.
Et, brusquement, Florian s'éveille. Sur les
épaules de PPDA, le sac gesticule. L'équipe
de TF1 se regroupe autour du présentateur et
parle fort pour couvrir les cris de l'enfant.
Un soldat remarque le manège et voit le sac
bouger. Il écarquille les yeux, puis détourne
le regard. Alors, PPDA aperçoit l'avion des
journalistes affrété par Bouygues. Il avance seul dans le hall, passe
en souriant une rangée de soldats, l'air le
plus naturel possible. Il franchit une porte
vitrée et se retrouve sur la piste. Il continue
rapidement vers l'avion, sans se retourner.
Au
bas de l'avion privé, le pilote attend. Le
journaliste lui donne son sac et revient dans
le hall de l'aéroport, pour le contrôle des
gros bagages...
Puis
l'avion décolle : le plus jeune gosse français
est arraché à l'Irak. Destination : Amman,
en Jordanie, pour une escale technique.
Au
même moment, à Paris, chez Karoline, le téléphone
sonne : "Je m'appelle Patrick Poivre
d'Arvor et je suis à Amman. On a une bonne
surprise pour vous. Vous serez heureuse !
Soyez ce soir au Bourget. Nous arrivons dans
la nuit. Détendez-vous, je vous embrasse."
Un peu plus tard, son mari l'appelle aussi
de Bagdad, et lui confirme le rendez-vous.
4
heures du matin, l'avion de TF1 se pose enfin sur la piste du Bourget.
Karoline attend là depuis des heures, anxieuse,
avec sa belle-famille. Elle s'approche craintivement
de la passerelle. Il y a beaucoup de monde
sur la piste, elle ne sait pas trop à qui
s'adresser. Puis elle aperçoit Patrick Poivre
d'Arvor et lui dit : " Je suis Karoline."
PPDA lui sourit, disparaît un instant dans
l'avion et revient en lui tendant Florian.
Endormi dans sa couverture, avec sa petite
grenouille en peluche et son biberon.
Depuis,
Karoline n'a cessé de penser à un cadeau pour
PPDA. Et, une semaine plus tard, elle trouve
: le journaliste vedette sera le parrain de
l'enfant. Elle propose l'idée à son époux,
toujours bloqué à Bagdad. Il est mille fois
d'accord.
Et malgré les risques encourus, PPDA retournera 5 jours
plus tard en Irak, pour interviewer Saddam
Hussein...

Paris
Match du 30 août 1990
A
l'occasion de ses 25 ans de présentation
du journal télévisé,
Patrick Poivre d'Arvor répond aux questions
du bi-hebdomadaire TV Grandes Chaînes
(paru le 22 octobre 2005) et de différentes
vedettes de la télévision française.
Extraits :
Question
de TV Grandes Chaînes : "Vous
avez déjà été
un acteur de l'information, comme quand en
1990 vous enleviez un enfant d'Irak, caché
dans un sac de sport, pour le sauver..."
Réponse de PPDA : "On
m'a dit 'un journaliste doit rapporter des
infos, pas des enfants'. J'avais trouvé
ces propos terrifiants ; un journaliste, c'est
d'abord un homme qui doit aller au bout de
ses élans. Cet épisode m'a rendu
heureux, surtout pour ses parents."
Question
de Jean-Pierre Pernaut (présentateur
du journal de 13h de TF1 depuis 1988)
: "Quel est, pour toi, le plus grand
de tous tes plus grands souvenirs de journal
télévisé ?"
Réponse de PPDA : "Ca
va lui faire plaisir. Je dirais un dialogue
avec lui dans son journal de 13h, après
une interview de Saddam Hussein en Irak. Je
me suis arrêté à Amman,
en Jordanie, et lui ai longuement parlé.
C'était un scoop dont on était
fiers. Il n'a jamais dû prendre un direct
aussi long : 10 minutes !"